Dialogue surréaliste’, voire ‘dialogue de sourd’ !
Tel pourrait-être le titre donné à l’évangile de ce jour.
Jésus est engagé dans la phase dramatique de sa mission.
Devant ce qu’il attend, Jésus marche avec assurance, « en avant ».
Il nous conduit aux portes de Jérusalem.
En parcourant les dimanches précédents, Jésus, à deux reprises, nous parle de sa mort et de sa résurrection. Le chemin n’est pas facile…
Aujourd’hui, l’évangéliste nous fait entendre la troisième annonce de la passion :
« Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie… »(Mc 10,45)
Jésus est animé par un amour profond pour l’homme, et ce, jusqu’à dans sa passion. Il a sacrifié sa vie pour les hommes.
N’interprétons pas le terme ‘sacrifice’ au sens de privation, mais bien de ‘don plénier de soi’.
Jacques et Jean, les fils de Zébédée qui font partie des quatre premiers appelés posent une question :
« Maître, nous voudrions que tu exauces notre demande » (Mc 10,35)
Jésus leur dit : « Que voudriez-vous que je fasse pour vous ? »
Jacques et Jean répondent : « Accorde-nous de siéger l’un à ta droite, l’autre à ta gauche ».
Après Pierre, Jacques et Jean, à leur tour, dans le groupe des disciples, font mauvaise figure. Leur demande paraît complètement déplacée après ce que Jésus vient d’annoncer : sa mort prochaine.
Ils n’ont, sans doute, pas encore tout compris…
La perspective de la croix leur échappe et ils ne songent qu’à un Messie de gloire et de pouvoir.
Mais, le Maître et l’ami Jésus n’est pas seulement le Messie, Il est aussi le Fils de Dieu. C'est-à-dire celui qui obéit à Dieu jusqu’à donner sa vie.
Jésus leur dit :
« Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ?...être baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé ? »
‘Boire la coupe’ et ‘être baptisé’ signifient être plongé dans la mort de Jésus, comme Saint Paul nous le rappelle très bien, dans le chapitre 6 de la lettre aux romains :
« Nous tous baptisés en Jésus Christ, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés…afin de, comme Christ est ressuscité, nous menions, nous aussi, une vie nouvelle. »
La gloire de Jésus n’est pas celle des hommes, mais celle de Dieu. Posons-nous la question avec les disciples de l’évangile : quelle gloire désirons-nous vraiment ?
Le chemin qui mène à la gloire des hommes passe par nos qualités et nos compétences, tandis que le chemin qui mène à la gloire de Dieu ne passe pas par nos mérites, mais il passe par ‘servir et mourir’.
Car, le plus petit aux yeux des hommes, c’est celui-là qui est le plus grand aux yeux de Dieu.
« Celui sur qui je porte les yeux, c’est le pauvre et l’humilié » nous dit le livre d’Isaïe.
Mais Jacques et Jean n’en sont pas encore là ! Mais… laissons le temps à chacun de faire son chemin.
Jésus, en bon pédagogue, vise à faire rentrer ses disciples plus profondément dans le mystère de sa mission.
Jésus fait entrevoir à Jacques et Jean que son destin est aussi le leur.
En effet, Jacques mourra martyr en l’année 44 :
« Hérode entreprit de mettre à mal certains membres de l’Eglise. Il supprima par le glaive Jacques, le frères de Jean » act 12,1-2 et Jean a été soumis à de lourdes épreuves durant sa vie.
La réaction des autres disciples peut s’interpréter de manières diverses :
« Les dix autres avaient entendu et ils s’indignaient contre Jacques et Jean » verset 41
C’est l’occasion pour Jésus de préciser la conduite de ceux qui veulent le suivre.
« Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur »
Jésus veut nous éduquer à l’Amour.
Jésus nous éduque car, dans tout projet éducatif, il y a un commencement, et, s’il y a commencement, il y a ‘avenir’.
Jésus crée en quelque sorte une alternative basée sur d’autres valeurs que celles qui sont cotées en bourse. Il nous invite à prendre le chemin exigeant de la fidélité dans le service. Passer d’une logique de possession à une logique de ‘don’ : telle est la proposition faite par Jésus.
Et comme dirait Fabrice Hadjadj :
« Telle est donc l’immense et inévitable certitude de l’existence : j’ai reçu la vie pour donner la vie, et ce don exige une espérance qui va au-delà… » et il poursuit :
« L’Eternel, dans sa générosité, ne veut pas seulement nous offrir un chemin. Il veut aussi que nous ouvrions un chemin dans l’impasse. Il ne veut pas que nous soyons éclairés; Il veut aussi que nous soyons éclaireurs. Il ne veut pas seulement nous donner la vie; Il veut aussi que nous la donnions, là, où ne semble régner que la mort. »
Ce visage du Christ qui nous est offert est l’exemple de ce que nous sommes appelés à devenir. S’engager sur le chemin de la foi c’est engager toute sa vie à l’image du Christ.
Mission difficile, voire impossible, si on la place du point de vue théorique. Puisque le Christ n’est pas une théorie, Il est un engagement qui nous permet de ne pas passer à côté de l’essentiel. Il est la fidélité qui guide nos pas. Il nous ouvre des chemins pour une existence féconde. Il manifeste sa gloire à travers la Croix.
Disons que le chrétien est comme Christophe Colomb, nous croyons au Nouveau Monde, mais nous n’avons pas de carte. Et, notre seule boussole est dans une Croix !
Amen
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